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Docteur Damien POINDRON

Cathétérisme interventionnel rythmologique


Cartographie d'activation bi-atriale d'une macro-réentrée périmitrale (Dr DP - 2021).

Pré-requis

Les cavités cardiaques principales sont les ventricules: en se contractant ils expulsent le sang qu'ils contiennent et permettent de créer une circulation sanguine dans les vaisseaux en direction de tous les organes 
(dont le coeur lui-même: dès que le sang sort du coeur, 2 petites artères font 1/2 tour : ce sont les artères coronaires qui irriguent le myocarde; quand l'une d'elles se bouche cela provoque un infarctus du myocarde). Les oreillettes/auricules sont des "sous-cavités" dont le rôle essentiel est de se contracter pour d'optimiser l'arrivée du sang dans les ventricules juste avant que ceux-ci ne se contractent à leur tour.

Le rythme cardiaque démarre dans l'oreillette droite, suivi d'une contraction des deux oreillettes, puis se propage aux ventricules (via le faisceau de His) permettant une contraction des deux ventricules.

Toute perturbation du rythme cardiaque entrainera une perturbation (+/- sévère) de la contraction.

Une anomalie du rythme auriculaire est souvent moins conséquente qu'une anomalie du rythme ventriculaire.

Cardioversion électrique programmée "électrochoc" :

Traitement transitoire d'une tachycardie supraventriculaire (fibrillation auriculaire, flutter atrial): en ambulatoire sans être hospitalisé, on applique sous brève anesthésie générale un courant électrique sur la cage thoracique et cela permet d'interrompre (dans 98% des cas) la tachycardie "active" et de laisser le rythme normal naturel reprendre le dessus. Cela n'empêche pas la tachycardie de redémarrer à court/moyen/long terme ("on éteint les flammes sans toucher aux braises"). Autre appellation : "choc électrique externe" = CEE.

 

En général il s'agit de l'étape n°2 si les médicaments se sont avérés inefficaces. Le + souvent réalisé sous couvert d'un traitement anticoagulant pour fluidifier le sang.


Exploration électrophysiologique (EEP)
 :

Dans la majorité des cas, cet examen est réalisé quand l'électrocardiogramme (ECG) standard ne suffit pas et dans le cadre:
- d'un bilan de syncope (évanouissement brutal et fugace) / malaise / palpitations.
- d'une recherche de bradycardie (rythme lent) ou tachycardie (rythme rapide) que l'on n'aurait jamais réussi à enregistrer par ECG.
- de l'analyse précise d'une bradycardie ou tachycardie connue afin d'élucider son mécanisme exact.
- comme préalable à une ablation par radiofréquence.

Indications principales: bilan de syncope, malaise sans PC, palpitations non documentées, recherche de trouble du rythme inductible, diagnostique étiologique d'une tachycardie documentée.

C'est un examen dont le but est uniquement de faire un diagnostic. En aucun cas il ne peut traiter une bradycardie ni une tachycardie, sauf de manière temporaire.

Examen à but diagnostique. Possibilité de laisser une sonde d'entrainement en place en attendant l'implantation d'un stimulateur; réductions de tachycardies par overdrive.


 
Exemple d'une salle d'explorations électrophysiologiques
et ablations par radiofréquence.



Cet examen est réalisé sous anesthésie locale. Il consiste en un "super-électrocardiogramme" directement de l'intérieur du cœur. Les différentes zones électriques du cœur sont analysées par des longs cathéters stériles dont les extrémités sont reliées à un ordinateur qui retranscrit les signaux en direct afin d'en permettre l'analyse et l'interprétation.

Anesthésie locale. Mise en place de un ou plusieurs cathéters multipolaires. Détection des différents signaux intracavitaires selon positions respectives des sondes. Signaux analysés en direct sur une baie d'électrophysiologie.


 
à gauche : Enregistrement de l'activité du faisceau de His au cours d'une exploration électrophysiologique.
à droite : représentation schématique des différents sites de blocage de l'influx naturel au niveau de la jonction AV
(déterminés en fonctions des intervalles de temps mesurés)


A jeûn, la personne est allongée sur le dos avec une perfusion classique sur le bras et un électrocardiogramme branché à l'ordinateur. Pour éviter les microbes, le rythmologue est habillé "stérilement" à la manière d'un chirurgien. Un drap stérile recouvre la personne. L'anesthésie locale est pratiquée au niveau du pli de l'aine, la plupart du temps du côté droit. Sensation de piqûre ("comme un vaccin") puis injection du produit (xylocaïne) pour endormir la zone (agit en quelques secondes). Puis ponction de la veine fémorale, juste en-dessous. Dans cette veine on glisse un "guide" (petit filin métallique stérile) qui permet de faire coulisser un désilet (tuyau en plastique). Dès lors le cathéter est introduit par le désilet dans la veine fémorale et de proche en proche le rythmologue le fait progresser jusqu'à l'intérieur du cœur (oreillette droite, sinus coronaire, ventricule droit). L'examen commence alors véritablement.

Patient à jeûn. Voie veineuse périphérique. constantes vitales. Branchement d'un ECG 12D. Asepsie chirurgicale. Abord veineux fémoral après AL. Mise en place de désilets valvés. Montée des sondes.


 
Schémas expliquant la technique d'approche pour aller détecter les signaux électriques intracardiaques.



Vue de la ponction veineuse fémorale droite au niveau du pli de l'aine, permettant d'insérer les cathéters d'électrophysiologie-ablation.
Technique de Seldinger. La tête du patient est sur la gauche de la photo, les pieds vers la droite.
Pas d'ouverture au scalpel, pas de point de suture : en fin de procédure l'ensemble du matériel est retiré,
la peau se referme sur elle-même et on fait un point de compression puis un pansement compressif (photo Dr Poindron).



Analyse du rythme spontané dans la cavité cardiaque (oreillettes ou ventricules) où est situé le ou les cathéters. Recherche de tachycardies par stimulations artificielles via l'ordinateur auquel sont connectés indirectement les cathéters. Perfusion temporaire de certains médicaments accélérateurs ou ralentisseurs selon les cas.

Analyse en direct des signaux spontanés, recherche de séquences répétées et de phénomènes cycliques. Stimulation possible par les différents cathéters via la baie d'électrophysiologie. Possibilité d'envoyer des extrastimulus (couplage programmé).Tests diagnostiques avec isoprénaline, striadyne, ajmaline etc.



Déclenchement artificiel d'une tachycardie lors d'une exploration électrophysiologique.




Exemple de signaux intracardiaques lors d'une exploration électrophysiologique
chez un patient présentant un "Bouveret".



En général, l'examen dure entre 15 & 45 minutes. Quand l'examen est terminé, le rythmologue retire complètement les cathéters, ainsi que le ou les désilets puis effectue un point de compression en attendant qu'il n'y ait plus aucun saignement. Aucun point de suture n'est réalisé, les tissus et la peau se referment sur eux-mêmes et les traces de piqûres deviennent quasiment invisibles au bout de qqs semaines.

Durée de procédure: 15-45min. Compression manuelle après retrait des désilets. Pansement compressif.

Photo de la partie haute de la cuisse droite (la gauche de la photo vers la tête, la droite vers les pieds) 3 mois après une intervention par cathéterisme.
On distingue 3 points en triangle qui correspondent aux 3 ponctions de la veine fémorale le jour de la procédure.
Après résorption de l'ecchymose et/ou hématome, on ne voit donc quasiment plus rien; pas d'aspect disgracieux ou inesthétique.

différents cathéters
Les différents type de cathéters utilisés en pratique courante (photo Dr D. Poindron)



Ablation (destruction) par radiofréquence (ARF) :

La radiofréquence est la source d'énergie (châleur) la plus fréquemment utilisée pour ce type d'intervention. L'autre méthode est la brûlure par le froid: cryoablation.

  
Schémas d'une sonde d'ARF au contact de la paroi cardiaque.
La radiofréquence crée une chaleur qui permet d'abimer sélectivement les zones qui se déclenchent anormalement.


Selon exactement la même technique d'approche qu'une EEP (cf paragraphe précédent), on utilise un cathéter spécifique dont l'extrémité permet - en plus de détecter le rythme spontané et d'envoyer des accélérations - de brûler la partie du coeur avec qui elle est en contact. Cette zone "critique" aura été préalablement repérée comme source de la tachycardie lors d'une EEP détaillée soit les jours précédents, soit immédiatement au cours de la même procédure. Selon les cas, on peut être amené à traverser la cloison entre les deux oreillettes grâce à une aiguille spéciale ou bien à faire une ponction de l'artère fémorale pour remonter le cathéter à contre-courant dans l'aorte afin d'atteindre l'intérieur du ventricule gauche.

Abord veineux fémoral classique. Sonde d'ablation 4 ou 8mm, irriguée ou non. Tirs sur la (les) zone(s) d'intérêt selon signal détecté. Parfois utilisation d'un FOP ou ponction transseptale quand arythmie de l'OG mais aussi du VG. +/- Abord artériel fémoral rétrograde pour le VG ou l'anneau mitral.




Vue per-opératoire par radioscopie de l'ombre cardiaque avec les cathéters positionnés à l'intérieur: sonde décapolaire dans le sinus coronaire, lasso dans la veine pulmonaire inférieure droite via la gaine transseptale, sonde d'ARF à l'ostium de la veine cave supérieure. A noter des fils d'acier de fermeture de sternotomie chez cette patiente ayant été opérée du coeur qqs années auparavant. (Dr Poindron)


Séquence ETO (Echocardiographie TransOesophagienne) lors d'une ponction transseptale : vérification de la vacuité de l'auricule gauche, visualisation du septum inter-auriculaire (SIA), purge de la gaine avec épreuve de contraste, mise en tension du SIA avec le système gaine-dilatateur-aiguille puis traversée du SIA
(images Dr D. Poindron).


La précision du geste et la qualité de l'analyse sont rendues possibles grâce à l'utilisation de systèmes informatiques de navigation tridimensionnelle; repérage par triangulation, véritable GPS intracardiaque 3D. Concrètement, on effectue en direct une modélisation virtuelle, sorte de moulage électrique de l'intérieur de la paroi des cavités cardiaques. Cela permet en outre de cartographier les circuits électriques: zone d'émergence, sens de propagation, zone de recyclage, circuits secondaires etc.


Reconstruction virtuelle 3D bi-atriale - Dr D. Poindron (2021)

Au moment où l'extrémité du cathéter envoie de la chaleur sur la paroi interne du coeur (jusqu'à 65°C), la personne peut ressentir une gêne voire une douleur. L'administration préalable &/ou répétée de produits anesthésiants permet de traiter efficacement ces phénomènes désagréables. Parfois le recours à l'anesthésie générale d'emblée est indispensable (pour une ARF FA par exemple).

Les tirs sont pro-algiques; irradiation dorsale / scapulaire / thoracique antérieure. +/- sédation complémentaire.



Exemple d'un cathéter de radiofréquence; l'extrêmité est déflectable à distance par une poignée spéciale.

En fonction du type de tachycardie ciblée et de la complexité du cas, une procédure d'ARF peut durer 30min jusqu'à 3-4h d'affilée dans les cas extrêmes (et donc rares), classiquement 1 à 2h. La très grande majorité des tachycardies, arythmies et extrasystoles peuvent être détruites par ce procédé (flutter auriculaire, tachycardies jonctionnelles, voies accessoires et syndrome de WPW, fibrillation auriculaire, tachycardies atriales, tachycardies ventriculaires, extrasystoles ventriculaires).

Durée de procédure: 45min à 3-4h. Indications: troubles du rythme à l'étage atrial et ventriculaire.

Confusion fréquente pour les EEP & ARF: il n'y a pas d'injection de produit à base d'iode (sauf cryoablation de FA): il ne s'agit pas d'une coronarographie (radiographie des artères du coeur, réalisée par d'autres cardiologues).


Que faire après une EEP ou ARF ?
- respecter les consignes de l'équipe soignante.
- éviter les mouvements de flexion exagérée de la cuisse du côté où les piqûres ont été faites, éviter de porter des charges lourdes; voir apparaître un bleu est classique (parfois assez étendu sur la jambe) mais il faut éviter la formation d'un hématome, véritable boule de sang sorte de mini-hémorragie interne.
- suivre l'ordonnance de médicament; ne pas modifier un traitement médicamenteux sans l'avis du médecin.
- contacter l'équipe en cas de situation anormale : douleur franchement désagréable, hématome évolutif avec gonflement, fièvre, essoufflement/fatigue inhabituelle, palpitations prolongées, malaise.
- prendre RDV avec son cardiologue attitré 1 à 3 mois après l'intervention.


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Schéma résumant les situations à risque de faire apparaître de la fibrillation auriculaire







Note importante:
L'ensemble des informations contenues sur ce site dont destinées à une vulgarisation de la rythmologie et la stimulation cardiaque pour le grand public. En revanche, elles ne sauraient se substituer à une information détaillée notamment délivrée par un médecin lors d'une consultation.